La dernière sage-femme

Jusqu’au milieu du XXe siècle, les maternités étaient rares dans notre région.
Aussi, en Haute Ariège (et comme d’ailleurs dans la plupart des zones éloignées des villes importantes), les femmes accouchaient à la maison.
Pour mettre leur enfant au monde, elles étaient aidées, la plupart du temps, par quelques femmes de leur famille ou du village, plutôt d’un certain âge et ayant quelque expérience dans ce domaine. Cependant, dans bon nombre de communes, une sage-femme diplômée pouvait aussi les assister et pratiquer l’accouchement.
C’était le cas à Miglos.

La dernière sage-femme de cette vallée, où elle exercera durant un demi-siècle, était de Norgeat.
Il s’agit de Baptistine Gabarre, née le 12 Août 1869, d’Antoine Gabarre Boulop et Marie Fauré Génat, qui épousera Baptiste Gardes (également de Norgeat) le 10 Février 1893.
Veuve en 1920, elle décèdera à Norgeat chez Marie Balança du Buraïre, son unique enfant, le 29 Juillet 1959.

La jeune Baptistine, après avoir fréquenté l’école communale de Norgeat, est allée étudier à Pamiers.
Elève à la maternité de cette ville, elle a subi avec succès les épreuves de l’examen « d’aspirante au titre de sage-femme de première classe », comme le précise l’attestation qui lui a été délivrée le 26 Mars 1888 par l’Inspection Académique de l’Ariège.

Elle obtiendra le « Certificat d’Aptitude à la profession de Sage-Femme de deuxième classe », après être passée devant la commission ad hoc de l’Ecole de plein exercice de l’Académie de Médecine et de Pharmacie de Toulouse, le 16 Avril 1888.

Ce document lui permettant d’exercer dans le département de l’Ariège, c’est à Miglos, et plus précisément dans son village natal de Norgeat, qu’elle s’installera.

On sait que Baptistine Gabarre exerçait déjà à l’âge de 22 ans, comme indiqué dans le Dénombrement de la Population de Miglos pour l’année 1891.

A cette même époque, une autre sage-femme était aussi installée sur la commune, à Axiat : Victoire Viguerie, veuve Gardes, âgée de 60 ans.
Cette dernière est déjà répertoriée, professionnellement, lors du recensement de 1866 (âge 35 ans – épouse Hippolyte Gardes).
Selon l’Annuaire Statistique du Département de l’Ariège, elle est encore en activité en 1910, mais ne figure plus sur celui de l’année 1914.
L’intéressée est née à Génat le 10 Avril 1831 et s’est mariée à Miglos le 24 Août 1848.
Pas de trace de son décès sur les registres d’état-civil de Miglos.

On notera qu’en 1866, et alors que Victoire Viguerie était seule à exercer sur la commune, on y dénombrait 37 naissances (18 garçons et 19 filles).
En 1891 la natalité avait commencé à baisser à Miglos ; seulement 10 garçons et 10 filles y sont nés.
A la veille du premier grand conflit mondial, Baptistine se retrouve seule à son tour.
En 1914, le nombre des naissances est tombé à 10 (4 garçons et 6 filles), et à la fin de la Première Guerre Mondiale, en 1918, seuls un garçon et une fille verront le jour.
La population de Miglos continue à décroitre régulièrement entre les deux guerres, et l’exode rural commence à vider nos villages de montagne de ses forces vives.
Les jeunes préfèrent aller à l’usine et vivre en ville, plutôt que de travailler la terre, un rude labeur, trop souvent ingrat et moins rémunérateur.
Cette tendance va s’accentuer de façon irrémédiable au lendemain de la Guerre de 1939/1945, et la courbe des naissances suivra logiquement la même décroissance rapide. Aussi, on ne compte que 14 enfants nés entre 1945 et 1954, et aucun de 1955 à 1960.

Il n’y a plus besoin d’une sage-femme à Miglos, et Baptistine prendra une retraite bien méritée au moment de la Seconde Guerre Mondiale.
Mme veuve Gardes figurait encore sur le dernier Annuaire de l’Ariège – année 1939.

Tout au long de sa carrière, Baptistine Gabarre aura eu l’occasion, à n’en pas douter, de mettre en pratique les enseignements repris sur le « Manuel de l’art des Accouchements » (édité en 1874), qu’elle avait acheté le 20 Mars 1887 dans le cadre de sa formation à la maternité de Pamiers.