Souvenirs des Années 1950
La période estivale passée, et les « doryphores » repartis à la ville, Norgeat retrouve sa quiétude. C’est alors que j’aime flâner dans les ruelles du village, à la recherche du temps passé, celui de mon enfance, des années 1950.
A cette époque, et en toutes saisons, Norgeat n’était certes pas aussi paisible que de nos jours. De l’aube au crépuscule il y régnait toujours une certaine animation. Même la nuit, où l’on entendait aboyer les chiens, qui se répondaient d’une maison à l’autre.
La vallée de Miglos était encore relativement peuplée et les habitations n’étaient pas cernées, comme de nos jours, par une végétation luxuriante, où dominent largement frênes et noisetiers.
On y vivait principalement du travail de la terre et d’un peu d’élevage.
Les champs étaient cultivés haut sur les flancs pentus de la montagne.
Chaque famille possédait également des bêtes (quelques vaches, un âne, voire un mulet ou un cheval, des moutons parfois, un porc, des poules et des lapins….)
Le labeur était rude et ne procurait malgré tout que de bien modestes revenus.
A quelques exceptions près, seuls les plus anciens s’en accommodaient et s’accrochaient encore à la terre qui les avait vus naître.
Les jeunes, quant à eux, étaient partis travailler à la ville, dans l’espoir d’une vie meilleure.
Cet exode de la population de nos montagnes avait commencé dès le début du XXe siècle et s’est amplifié après la Première Guerre mondiale.
Mais pour les congés et les vacances scolaires, enfants et petits-enfants ne manquaient jamais de retourner « au pays« . Les aînés venaient aider aux travaux agricoles du moment, tandis que les plus jeunes transformaient le village en aire de jeux…
Pour ce qui me concerne, c’est à Norgeat que je passais toutes mes vacances.
Les congés terminés, mes parents retournaient à leur travail et me laissaient à la garde de ma grand-mère Madeleine jusqu’à la reprise de l’école, qui avait lieu à l’époque le 1er Octobre.
Bon nombre de mes camarades de jeux étaient dans la même situation… Et nous étions tous ravis d’une telle aubaine.
Ainsi, pouvais-je me vanter de fréquenter, durant les vacances, des garçons et des filles venus de divers coins de France, et notamment de grandes villes, telles Paris, Marseille, Lyon, ou Toulouse , bien sûr. Cependant, malgré leurs accents différents, tous puisaient leurs racines à Miglos.
En ce temps-là, les « figures » du village avaient pour nom : Le Pradenc, Saumade, La Plènplène, Mémé Phine, Le Pilor, Jeanne de Tanguet, Paul de Courdilh, Ziou, Miquel, Massou, Lèno de Moundilho, Tonin de Labiche, Marcel de Liau, Pintoun, La Lampèro, Batè de Lergne, Las Malbrounos, Bati, Le Piloto, Jean Le Bon, La Tounrate, Le Quinze …. Etc…
Nous, les enfants, ne les connaissions, pour la plupart, que sous ce surnom, par lequel ils étaient communément désignés, en lieu et place de leur véritable patronyme, trop souvent le même d’ailleurs (Gardes, Pujol, Gabarre…).
Tous ces gens sont morts, depuis bien longtemps pour certains, mais je me souviens fort bien d’eux. Leur visage est resté gravé dans ma mémoire.
Parfois d’ailleurs, au fil de mes flâneries, je crois apercevoir, surgie de nulle part, la silhouette familière de l’un de ces personnages, au coin d’une ruelle, sur le pas d’une porte, penchée à la fenêtre, portant un énorme faix d’herbe sur la tête, ou puisant la cruche à la fontaine….
Quant à la demeure de chacun d’eux, je la revois tout aussi distinctement.
Certes l’habitat d’alors a bien changé depuis. Maisons et granges ont été « rajeunies » (ce qui n’était pas un luxe, soit dit en passant), et si « pépi le bièlh » revenait, il ne reconnaîtrait pas son village, ni peut-être même sa maison.
Le temps semble s’être figé sur mes souvenirs d’enfant, lorsque je repense à cette époque….
C’est pourquoi, et afin que tous ces gens (qui, à une époque donnée, ont été l’âme du village) ne tombent définitivement dans l’oubli, il m’a semblé nécessaire de reparler d’eux ; une façon de leur rendre hommage.
Pour ce faire, et comme à l’habitude, Christian Pujol m’a apporté une aide précieuse.
Dans les années 1950, lui aussi venait très régulièrement à Miglos et partageait son temps entre Norrat (à la maison Lagrimpe, où est née sa mère) et Norgeat (chez Madeleine, sa grand-mère paternelle).
Ainsi, à partir du Cadastre de 1953 (année repère de notre étude), il a dressé un plan du village de Norgeat, sur lequel sont répertoriées les habitations occupées à cette époque. A noter qu’un relevé du Cadastre de 1834 est également présenté, à titre de comparaison.
La numérotation des parcelles en question renvoie au listing des personnes, décédées depuis lors, qui vivaient à Norgeat dans les années 1950, et que nous avons connues. Cet état permet également de faire la distinction entre les résidents habituels et ceux (notés en italique) qui venaient au village pendant les périodes de congés.
Voir documents ci-après.
G. Lafuente – avec le concours de C. Pujol
Août 2015
Dernière Mise à jour : Juin 2016