Toponymie

Louis Delpla, ancien instituteur et maire de Gestiès dans les années 1950, nous a quittés voilà déjà longtemps (Décembre 1983).
Connaissant sa grande érudition, je l’avais sollicité, en 1981, pour des renseignements d’ordre toponymique relatifs à Miglos. Il s’était fait un réel plaisir de répondre à mon attente.

Voici un extrait de sa lettre (empreinte de poésie), en date du 23 Février 1981.

G.L. – Septembre 2009.

« … Allons à Norgeat, groupement le plus important de la commune tripartite de Miglos, cerclé de forêts de hêtres et de résineux, véritable oasis de fraîcheur aux heures estivales et constituant encore le moins dépeuplé des hameaux de cette communauté rurale, qui n’a pas échappé au tarissement démographique des hauts lieux montagnards.
Je n’ai qu’une connaissance superficielle de son habitat, ne l’ayant le plus souvent supervisé que depuis le col de « Gamel » – altitude 1390m – (ravin qui le sépare, au Sud, du territoire pastoral de Gestiès), au cours de mes promenades en forêt pour en retirer myrtilles et champignons. Au Col de Gamel – 15 Juillet2004
Dans ces parages nait le torrent drainant les eaux des zones d’altitude vers Norgeat, où elles ont été longtemps l’unique et salutaire ressource hydrique d’une population rude et laborieuse.
Or, il existe à l’orée des bois une source issue des infiltrations aquatiques des gradins granitiques supérieurs de la « Crête de la Bedo« , et dite « Fount de la Bedo« .

A ce sujet, je crois possible une modification de préférence et de référence originelles, en ayant libre recours aux « béquilles » étymologiques. Il semble logique d’écrire: « Crête et Fount de l’Abedo« , c’est-à-dire de la sapinière, le sapin étant dénommé « Abet » en terme forestier local, ce qui correspond à classer ce végétal dans le groupe botanique des « Abiétinées ». La prononciation ne s’en trouve d’ailleurs nullement affectée par la soudure initiale de la voyelle A au corps littéralement maintenu en sa racine.

Simple détail en somme, que l’on trouve assez souvent au travers des expressions verbales d’un bilinguisme déformant, non dépourvu de savoureux intérêt.

C’est ainsi qu’il existe, à la frontière pastorale des pacages de Miglos et de Gestiès, un col désigné cartographiquement « Col de la Laine« , ou « Lène« , ce qui n’a guère de sens.
Quand fut établie la carte d’Etat-major de la Haute-Ariège, les officiers cartographes s’adjoignaient le concours de soldats du pays, pour la désignation des points géodésiques de leurs relevés. Ces collaborateurs n’étaient pas toujours de haute compétence et leurs interrogateurs ne les comprenaient qu’à demi, dans leur nébuleux patois et leur français aux hésitantes traductions.

Au Moyen-Age, Gestiès étageait ses terres de misères en trois groupements, dont il n’en subsiste qu’un de nos jours. Les plus hautes et plus éloignées de ces masures s’étaient établies le long du ruisseau du Sask, affluent du Siguer et disputaient à un territoire ingrat et surpeuplé le triste soutien d’une existence sauvage et famélique, qui leur faisait essayer de défricher les arbres de la forêt appartenant au seigneur de Miglos. D’où un conflit permanent et violent entre usagers forestiers en redevance de Miglos et les paysans des lieux-dits, aujourd’hui « Las Bordos« ; ceux-ci pour des raisons vitales, les autres pour de profitables exploitations de bois d’œuvre et de chauffage: de la « leinho » selon le patois local.
Or, « Leinho » et « Laine » (ou « Lène« ) sont des vocables de voisine tonalité, pour peu que l’accentuation s’amalgame en un cousinage auditif. Alors, le col fut baptisé de la « Laine« , ou « Lène » (actuellement porté « Léno » sur les cartes de l’IGN) et beaucoup de gens n’y ont rien compris ! …

…Au sujet de « Soustal« , en me basant sur la disparition consécutive de ces points de repli, occupés par les descendants des vaincus refoulés d’antan, je crois qu’il faut y reconnaître un raccourci syllabique, un reliquat sonore s’appliquant à des masures rustiques abandonnées ou converties en refuges de stabulation animale, avec resserre de foin et d’outillage agraire: « les Oustals« . …

…Monsieur Louis Pujol, dans sa valeureuse chronique des « Janirets », a scrupuleusement relaté le désastre qu’à été la dépopulation de son village, sous le Second Empire, provoquée par cette épidémie du choléra, qui fut, dit-on, ramenée des combats de Crimée et ravagea la vallée du Vicdessos jusqu’à déterminer la disparition de ces hameaux squelettiques, victimes de ce qu’on appelait, aux XVIe et XVIIe siècles, le « maïchant mal », si redouté par d’irréductibles contagions.
Plus près de nous, en 1918, la grippe dite « espagnole » s’est ajoutée cruellement aux calamités passées, nous laissant, peut-on dire, une bien triste graine de turgescentes inquiétudes. … ».