Les Fontaines et le Lavoir
L’eau qui coule aux fontaines publiques, quoi de plus naturel de nos jours?…
Et cependant, il y a un siècle et demi, la population de Miglos buvait encore l’eau au ruisseau, où s’abreuvaient aussi les animaux (nombreux à cette époque)… ce qui ne manquait pas de poser, assez régulièrement, de sérieux problèmes sur le plan sanitaire.
La première fontaine de la commune de Miglos a été installée à Arquizat, en 1858. Norrat et Axiat en seront dotés peu après.
Norgeat, dès 1836, avait pourtant réclamé la possibilité d’établir une fontaine sur la place du village, alimentée par « une bonne source distante de 650 mètres » (la source de Prédet).
Le 4 Février 1836, le Conseil municipal (maire Jacques Bacou), a examiné cette demande, jugée « légitime, en ce que le petit ruisseau qui traverse le hameau ne donne qu’une eau très malsaine et très dégoûtante en toutes saisons, par tout ce qu’il charrie ».
Hélas!…il n’y avait pas de fonds communaux disponibles pour une telle réalisation… Aussi, les Norgeatois devront attendre plus de 30 ans pour obtenir satisfaction.
Le 15 Février 1869, Pierre Pujol Janiret (adjoint) sollicite, au nom des habitants de Norgeat, l’approbation du préfet, pour la construction d’une fontaine publique dans ce village.
« … Le besoin se fait sentir de plus en plus… Depuis que les bois disparaissent, les orages entraînent des matériaux qui rendent impotables et insalubres les eaux du petit ruisseau qui alimente la commune… En hiver, le ruisseau se trouvant glacé pendant deux mois consécutifs…les habitants sont obligés même de faire chauffer l’eau pour abreuver leurs bestiaux, faute de quoi plusieurs périssent et sont exposés à des avortements… Les trois autres hameaux de la commune, Arquizat, Axiat et Norrat, sont déjà depuis longtemps pourvus de cet aliment…
… Nous n’avons ni ressources ni appui, on nous a toujours fait la plus grande opposition pour l’aménagement de notre village, nous contribuons à toutes les dépenses de la commune et nous n’avons jamais participé à aucun bénéfice…
…. Ayant une pente de 4 centimètres par mètre, le tout sur un terrain argileux, nous nous proposons de conduire les eaux par un canal découvert jusqu’à l’entrée du village et avec des tuyaux dans l’intérieur… ».
Le projet a malgré tout trois opposants (Pierre Pujol Marge, Paul Pujol Procureur et Jean-Pierre Pujol Matouille), qui ne veulent pas que la tranchée traverse leur terrain. Le préfet ne tiendra pas compte de leur réclamation, datée du 28 Février 1869.
Un dossier complémentaire est adressé au préfet le 12 Mars 1869. Il comprend :
- la transcription de la délibération municipale n°128 (maire Jacques Bacou), du 5 Février 1869 (datée par erreur du 26 Février), portant avis favorable à l’installation de deux fontaines publiques à Norgeat, mais ceci sans l’aide financière de la commune. On y relève qu’à cette date, le petit hameau de Baychon est également équipé d’une fontaine.
- Le devis du fontainier Jauze, de Tarascon. Montant : 1018francs.
L’accord préfectoral sera donné le 24 Mars 1869, et l’eau coulera bientôt aux fontaines de la Place et de la Carrièro.
En 1877, une fraction des habitants de Norgeat « souhaite établir une fontaine publique dans leur « quartier du Midi« , car celles qui existent déjà dans le village sont implantées au Nord (la Place) et au milieu (la Carrièro).
Le 4 Avril 1877, invité à délibérer sur cette demande par le préfet, à qui les pétitionnaires s’étaient adressés directement, le Conseil municipal de Miglos (maire Jean-Marie Bacou) donne son approbation pour construire une fontaine « à un bec d’eau » (celles existantes en ont deux).
Le préfet donne son accord pour l’implantation de cette troisième fontaine, le 25 Avril 1877. Il s’agit de la fontaine de Pijol.
A noter que le bassin-abreuvoir que nous connaissons date de 1922.
Le 11 Août 1889, la commune demande un secours de 370 francs à la préfecture, pour des réparations aux fontaines, dont 100 francs pour celles de Norgeat.
Les travaux effectués dans ce village, sous le contrôle de Jean-François Pujol (adjoint), présenteront rapidement des malfaçons importantes et les canalisations vont se rompre à nouveau l’année suivante. Certains habitants accusent alors l’adjoint de concussion, car il n’aurait fait effectuer que le minimum, afin de conserver une partie des crédits alloués à cet effet.
Ceci sera avéré à l’issue de l’enquête diligentée, au mois de Juin 1890, à la demande du préfet. L’adjoint indélicat reversera 54,25 francs aux finances communales.
Le 16 Décembre 1892, une délibération municipale nous apprend que : « les auges des fontaines communales, toutes en bois, tombent de vétusté et laissent échapper l’eau par chaque bout…il y a lieu de demander à l’administration forestière six sapins, à prendre dans le bois communal, à l’effet de servir à la construction des auges des six fontaines communales de Miglos . » (Maire : Teulière Lucien).
En 1896, la nécessité de changer les canalisations des diverses fontaines de la commune devient prioritaire (délibération du 13 Juin & demande du 26 Décembre adressée au préfet).
L’architecte départemental Emile Sauret est chargé d’établir un projet et rendra son travail le 1er Mars 1898.
Concernant Norgeat, il indique que la source de Prédet (qui alimente aussi Arquizat) est conforme aux besoins et assure un débit de 400 litres par jour à chacun des 380 habitants du village. Egalement, il y a lieu de prévoir une borne fontaine pour l’école.
Un plan du tracé de la canalisation, au 1/1250e, est joint au dossier. (Document conservé aux Archives Départementales de l’Ariège – Dr. réf. 2 0. 983).
La commune (maire Jean-François Jalbert) contracte un emprunt de 17850 francs, en Novembre 1898, pour l’ensemble de ces travaux, qui seront réalisés par l’entreprise Sans et Fournié, d’Arignac. (dont 799m de tranchée pour Norgeat). La source de Prédet, sera définitivement achetée à Jean Cazals Casse, après délibération municipale du 23 Septembre 1899.
Le 28 Mars 1901, les travaux sont terminés et le procès-verbal de réception est adressé au maire de Miglos par l’architecte Sauret.
Dix ans plus tard, il apparaît que la source de Prédet n’est plus suffisante pour les besoins des habitants de Norgeat et Arquizat et que la qualité de l’eau, en été notamment, laisse souvent à désirer. Il est donc nécessaire de capter la source de Fountanabibo (qui est toujours utilisée actuellement) et de refaire une partie des canalisations d’eau.
C’est l’instituteur de Norgeat, Casimir Truel (également secrétaire de mairie), qui va monter le dossier correspondant.
Daté du 26 Mai 1911, il comporte un plan du tracé des conduites d’eau (au 1/1000e), un avant-métré et la série des prix.
On relève ainsi, pour Norgeat: … « La longueur de la canalisation depuis la nouvelle source projetée jusqu’à la borne fontaine de Pijol est de 1094,60m.« …
Pour Arquizat: … « 1007,40m.« …
… « Construction du bassin de prise d’eau, à Fontanabibo, (avec du matériel provenant en partie de celui de Prédet), coût: 40,36 francs.«
… « Indemnité à Jean Baptiste Balança, pour dégâts à ses propriétés de Fontanabibo et de Picou, pour la construction des bassins de prise d’eau et réservoir: 100 francs.« …
Le coût global pour la réalisation de l’ouvrage est évalué à 3491,61 francs.
Ce projet est validé par délibération municipale du 4 Juin 1911, et le maire (Constantin, Joseph Marie Montaud) est chargé de lancer la procédure administrative.
Le 15 Janvier 1912, Jean Baptiste Balança cède à la commune l’eau de la source en question, « aux conditions: qu’un bec d’eau avec robinet soit installé sur l’évier de la cuisine de sa maison » et « qu’une indemnité de 100 francs lui soit versée à la fin des travaux« . (Traité de gré à gré passé avec le maire).
Par la suite, un petit bassin-abreuvoir sera ajouté contre la façade de la maison, côté ruisseau. Cette installation a été supprimée lors de la réfection de la bâtisse, en 2007.
En Février 1912, la Société des Gisements Dolomitiques de la Haute Ariège est choisie pour la fourniture des tuyaux, en terre cuite et vernissée. (Coût: 1454 francs). Pour les travaux, ils seront effectués en régie, à la demande des propriétaires des terrains traversés par la conduite.
Le préfet validera l’ensemble du projet fin Avril 1912.
Les travaux seront terminés fin 1913.
C’est à la même époque qu’a été construit le Lavoir de Norgeat.
Le terrain nécessaire a été acheté aux consorts Escalière, de Tarascon, pour le prix de 80 francs, suite à la délibération municipale du 18 Août 1912. A noter que sur l’acte de vente, retenu par Me Izaure, notaire à Tarascon, on relève qu’il s’agissait d’un « emplacement de maison, grange et cour« , d’une superficie de 1 are & 4 centiares.
Le lavoir a été rénové en Septembre 2000.
La 15 Décembre 1919, le conseil municipal (maire : Montaud Constantin) « décide qu’un abreuvoir public sera construit au hameau de Norgeat, devant la borne fontaine qui est attenante à la cour appartenant à M.Gardes Baptiste Chouca ». L’intéressé avait donné « l’autorisation de construire cet abreuvoir dans le mur de clôture de ladite cour« .
Il s’agit de la fontaine de La Carrièro.
Faute de crédits, l’abreuvoir en question ne sera construit qu’à l’automne 1922, après une nouvelle résolution municipale du 20 Août 1922, qui prévoit également l’installation d’un second abreuvoir public à la fontaine de Pijol (cette dernière porte encore « 1922 » gravé sur le devant).
Concernant le bassin rond, autour de la fontaine de la Place, il existe depuis l’origine.
Pour ce qui est de la fontaine de Joulé (également appelée de Perrot par les plus anciens), sise près du ruisseau, elle a été construite dans les années 1920. La dernière rénovation date de 1995.
A l’origine, cette petite fontaine ne se situait pas exactement à son emplacement actuel. Elle se trouvait plus proche du ruisseau, dont elle n’était séparée que par un chemin. Celui-ci longeait le torrent, depuis Pijol jusqu’aux Prats d’Abalh, et desservait les habitations du côté Est du village. Au milieu des années 1960 une route communale a été construite sur le tracé de l’ancien chemin , dont l’assise a été élargie et surélevée par rapport au ruisseau.
La fontaine de Joulé a dû être démolie pour laisser passer ladite route et a été reconstruite plus en retrait.
Au début des années 1960, la fontaine de la Carrièro a été restaurée. Un bec a été supprimé et un second bassin, plus petit, construit en prolongement de l’abreuvoir.
L’ancien fronton de pierre, à 2 becs en laiton, a été récupéré, à l’époque, par un habitant du village:
Emile Daraux, qui sera maire de la commune de Miglos de 1977 à 1983.
La fontaine de la Place a été embellie, en Juillet 1997: rejointoiement des pierres, ajout de deux écus en ciment (motif croix pattée) sur chacun des deux becs d’eau et d’un cadran solaire sur la face opposée.
Ce travail a été réalisé bénévolement, par un architecte d’origine australienne venu passer ses vacances à Norgeat.
A signaler que les premières « concessions d’eau » ont été attribuées à des particuliers à partir de 1923. Pour Arquizat à Jean-Baptiste Gardes (Août) et Ernest Gardes (Novembre). Sur Norgeat à Jules Balança, par délibération municipale du 2 Mars 1924. Les demandeurs versent une indemnité unique de 350 francs. Par la suite, les demandes vont se multiplier rapidement et un règlement communal sera établi le 30 Juillet 1933.
Et aujourd’hui, en 2012 ?…
En vertu de la Loi sur l’Eau (n°2006-1772) du 30 Décembre 2006, les décideurs Ariégeois ont lancé un programme d’installation des compteurs d’eau sur la commune de Miglos.
Les travaux, pilotés par le Syndicat Mixte Départemental de l’Eau et de l’Assainissement (SMDEA), ont démarré au début de l’été 2011. (Voir article La Dépêche du Midi – 9 novembre 2011).
Après Baychon, Arquizat, Axiat et Norrat, la pose des compteurs d’eau (y compris aux fontaines publiques) a été réalisée à Norgeat entre mi-Septembre et fin Novembre 2011.
Fait marquant à relever : la fontaine de Pijol a été sensiblement modifiée à cette occasion.
Elle avait été construite en 1877, à la demande pressante des habitants de ce « quartier Midi » et le bassin-abreuvoir qui vient d’être raccourci, datait de 1922.
Les travaux récents ont permis la mise à jour de la fontaine d’origine, qui se composait de trois parties, adossées au bâtiment appartenant à la famille Pujol (de Lemagnoutat).
Le fronton de pierre, à un bec en laiton, et son bloc-support, de même nature, toujours en place actuellement. Et, à la base, un petit bassin taillé dans la pierre, où tombait l’eau qui s’écoulait ensuite dans la rigole longeant le chemin.
Ce bassin, recouvert par la maçonnerie de 1922, a été brisé malencontreusement, au marteau piqueur, lors de la rénovation.
Et grâce au talent de Pâquerette Pujol (sa mère), nous pouvons nous faire une idée précise de la fontaine de Pijol telle qu’elle était au XIXe siècle. « Pâquou » en a réalisé une remarquable reproduction, au crayon pastel.
Pour en terminer avec ladite fontaine, il faut admettre que sa restauration est assez réussie, même si elle a quelque peu perdu de son cachet d’antan.
Revenons maintenant au présent…
Au vu de ce qu’il faut bien considérer comme un bouleversement pour l’accès à l’eau potable, une des expressions coutumières de ma grand-mère me revient en mémoire : « Si les bièlhis tournabon !« .
Et oui, si les vieux revenaient !… Nos Anciens, dont on vient de parler, tous ces rudes Norgeatois, qui ont réussi à amener l’eau aux fontaines du village dès 1869, sans aucune aide extérieure, ni même le soutien financier de la commune, comme indiqué dans la délibération municipale de 5 Février de la même année … Auraient-ils pu comprendre le bien-fondé de cette décision ?…
Il m’étonnerait fort qu’on ait réussi à les convaincre que ce n’était que justice.
Être obligés de payer cette eau, qui sourd en abondance de la terre où ils étaient nés et qu’ils avaient su apprivoiser, grâce à leur courage et leur ténacité, pour le bien être de leur communauté : « Chuno bergougnho ! »… Quelle honte !…
Mais les temps ont bien changé … De nos jours, l’eau aussi coûte cher….
G.L. – Décembre 2009.
Nouvelle Fontaine à l’entrée Nord du village (2011).
A l’automne 2011, la municipalité a profité des travaux effectués dans le cadre de l’installation des compteurs d’eau à Norgeat pour ériger une borne-fontaine, sur le domaine public, à l’entrée Nord du village (secteur de l’église).
Elle est adossée au vieil abri en pierre, construit en bordure de la route sur la petite parcelle à usage de jardin, cadastrée 1035, propriété actuelle de la commune. A l’origine ce bien appartenait à la famille Pujol « Moua« , dont un représentant, Honoré, fut maire de Miglos de 1929 à 1935.
Un point d’eau existant sur ledit terrain depuis des décennies, il a été judicieux de le conserver pour la collectivité.
ABRIBUS (2016)
La petite bâtisse en pierre, située en bordure de la route près de l’église de Norgeat, et contre laquelle est adossée une borne-fontaine a été réhabilitée en fin d’année 2016 et transformée en abribus.
Le Conseil Municipal de Miglos (maire : Marie-Anne Masdieu) en a décidé ainsi lors de la séance du 21 Janvier 2016.
Montant des travaux : 1907€, dont la plus grosse partie pour la réfection de la toiture.
Une telle réalisation s’avérait nécessaire afin de permettre aux enfants du village d’attendre la navette du « ramassage scolaire » en toute sécurité et à l’abri des intempéries, surtout en hiver.
Quelques villageois, qui utilisent les moyens de transport mis en place par la Communauté des Communes pour se rendre à Tarascon, peuvent en bénéficier également.
L’aménagement intérieur définitif de cet édicule devrait être effectué dans le courant de l’année.
Lavoir – Réfection de la toiture (2016)
La commune de Miglos est incluse dans le périmètre du Parc Naturel Régional des Pyrénées Ariégeoises (PNR), créé en 2009, qui œuvre entre autres pour la Rénovation du petit patrimoine bâti.
A ce titre, le conseil municipal (maire Marie-Anne Masdieu) a décidé, lors de sa séance du 21 Janvier 2016, de demander l’attribution de la DETR (Dotation d’Equipement des Territoires Ruraux), exercice 2016, pour restaurer les lavoirs de Norrat, Axiat et Norgeat, « dans le but de leur redonner leur aspect d’origine« . Montant total des travaux : 31564€.
Concernant le lavoir de Norgeat, la réfection de la toiture a été effectuée en Octobre 2016 par l’entreprise locale Vincent Rodier, dont il y a lieu de souligner le remarquable travail réalisé.